Dans un contexte économique en constante évolution, le portage salarial se présente comme une alternative intéressante pour les travailleurs indépendants, les entreprises et les clients. Cette solution, qui concilie la liberté de l’entrepreneuriat et la sécurité du salariat, est régie par une législation spécifique en France. Dans cet article, nous vous proposons d’examiner les principaux aspects de cette législation, afin de mieux comprendre ses implications pour les différents acteurs concernés.
Le portage salarial : définition et encadrement juridique
Le portage salarial est une forme d’emploi atypique qui permet à un professionnel indépendant (le « porté ») de bénéficier du statut de salarié tout en réalisant des prestations pour le compte de clients qu’il a lui-même prospectés. Pour ce faire, il conclut un contrat avec une entreprise de portage salarial (EPS), qui facture les clients pour le compte du porté et lui reverse un salaire après déduction des frais de gestion et des cotisations sociales.
Cette pratique, qui existe en France depuis les années 1980, a été officiellement reconnue par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail. Depuis lors, plusieurs textes législatifs et réglementaires ont été adoptés pour encadrer le portage salarial et garantir la sécurité juridique des parties prenantes. Parmi ces textes figurent notamment :
- la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui a intégré le portage salarial dans le Code du travail (articles L. 1254-1 et suivants) ;
- l’ordonnance du 2 avril 2015 et son décret d’application du 30 décembre 2015, qui ont précisé les conditions d’exercice de l’activité de portage salarial et renforcé les garanties offertes aux portés ;
- la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui a apporté des modifications importantes au régime juridique du portage salarial.
Les conditions d’exercice de l’activité de portage salarial
Pour exercer légalement en tant qu’entreprise de portage salarial, une société doit respecter plusieurs conditions posées par la législation. Tout d’abord, elle doit être immatriculée au registre du commerce et des sociétés et disposer d’un capital social d’au moins 100 000 euros, afin de garantir sa solvabilité. Elle doit également adhérer à un syndicat professionnel représentatif des entreprises de portage salarial ou obtenir une certification délivrée par un organisme certificateur accrédité.
Par ailleurs, l’EPS doit souscrire une garantie financière suffisante pour assurer le paiement des salaires, indemnités et charges sociales en cas de défaillance. Cette garantie, qui peut prendre la forme d’une caution bancaire, d’une garantie d’assurance ou d’un fonds de garantie mutualisé, doit représenter au moins 10 % de la masse salariale annuelle de l’entreprise.
Enfin, l’EPS doit conclure avec chaque porté un contrat de travail en portage salarial, qui doit être établi par écrit et comporter des mentions obligatoires telles que la durée du contrat, la rémunération minimale du porté ou encore les modalités de rupture du contrat. Ce contrat doit être accompagné d’une convention de prestation de services signée entre l’EPS et le client, qui définit les conditions dans lesquelles le porté réalise sa mission.
Les droits et obligations des parties au contrat de portage salarial
Le contrat de travail en portage salarial confère aux portés des droits similaires à ceux des autres salariés. Ainsi, ils bénéficient notamment :
- de la protection sociale liée au statut de salarié (assurance maladie, chômage, retraite) ;
- du droit à congés payés et à la formation professionnelle ;
- de la possibilité de bénéficier d’un plan épargne entreprise et/ou d’un plan épargne retraite collectif ;
- du respect des règles applicables en matière de durée du travail, repos hebdomadaire et jours fériés.
En contrepartie, les portés doivent respecter certaines obligations, telles que :
- l’obligation de loyauté envers l’EPS et le client ;
- le respect des règles de sécurité et de confidentialité liées à la mission ;
- la fourniture d’un travail conforme aux exigences du client et aux termes de la convention de prestation.
De son côté, l’EPS doit notamment :
- assurer le porté contre les risques professionnels (accidents du travail, maladies professionnelles) ;
- payer le salaire du porté conformément aux dispositions légales et contractuelles ;
- accompagner le porté dans la gestion administrative, comptable et sociale de son activité.
La rémunération minimale du porté et les frais professionnels
La législation prévoit une rémunération minimale pour les portés, fixée à 70 % du plafond mensuel de la Sécurité sociale (soit environ 2 500 euros bruts par mois en 2021) pour un temps plein. Cette rémunération peut être modulée en fonction de la durée effective de la mission et des périodes d’inactivité entre deux missions.
Les frais professionnels engagés par le porté pour l’exercice de sa mission peuvent être pris en charge par l’EPS, à condition qu’ils soient justifiés et prévus par le contrat ou la convention de prestation. Ils sont alors remboursés au porté sous forme d’indemnités non soumises à cotisations sociales.
Régime fiscal et obligations déclaratives des portés
Les revenus perçus par les portés au titre de leur activité en portage salarial sont soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires. Ils doivent donc déclarer ces revenus dans leur déclaration annuelle de revenus, en tenant compte des éventuelles indemnités pour frais professionnels exonérées d’impôt.
En matière de TVA, les portés ne sont pas assujettis à cette taxe, car c’est l’EPS qui facture la prestation de services au client et qui est responsable de la collecte et du reversement de la TVA auprès de l’administration fiscale.
Les avantages et limites du portage salarial
Pour les travailleurs indépendants, le portage salarial offre plusieurs avantages, tels que :
- la sécurité du statut de salarié (protection sociale, droits aux congés payés) ;
- la simplicité dans la gestion administrative, comptable et sociale ;
- l’accompagnement et le soutien de l’EPS dans le développement de leur activité.
Cependant, ce dispositif présente aussi certaines limites, notamment :
- une rémunération souvent inférieure à celle qu’ils pourraient percevoir en tant qu’indépendant « classique » (en raison des frais de gestion et des cotisations sociales) ;
- un cadre juridique encore perfectible (malgré les avancées législatives) et une méconnaissance du portage salarial par certaines entreprises clientes.
Néanmoins, la législation du portage salarial en France a considérablement évolué ces dernières années, offrant un cadre réglementaire plus clair et sécurisé pour les travailleurs indépendants, les entreprises de portage salarial et leurs clients.